Le cerveau tourne au ralenti (depuis toujours—). Tous ses détails qui pourraient sembler insignifiants mais qui pourtant feraient tellement de sens, si seulement Liam prenait le temps de s’y attarder. Mais il ne voit plus que le global, l’évident, les couleurs principales d’un sujet ; tout le reste ne l’intéresse plus, jeté à la poubelle comme un vulgaire mégot.
Il voit la forme de ton visage mais il ne devine pas le maquillage ; il entend ta voix mais il ne comprend pas l’intonation de ta voix. Tout est synthétisé, les particularités mises de côté dans un amalgame indigeste que Liam a bien souvent du mal à comprendre— forcément.
«
Liam, » qu’il dit d’un air idiot, comme si tu pouvais rassembler tous les mystères pour lui et le guider au travers de ce labyrinthe qu’est devenu son chemin de pensées.
Peut-être que tu n’as pas pu te souvenir de son nom car il n’a jamais pu le prononcer dans ce rêve qui lui semble si lointain. Muet à tout jamais dans cette autre vie ; il aurait sans doute pu t’offrir de belles paroles (et de beaux gémissements), mais peut-être est-ce mieux qu’il se taise et qu’on lui laisse les mots stupides pour la vraie vie où
il semble bien décidé à tout ruiner.
Ses yeux se baladent sur vos mains, dans une incompréhension de sa part qui te laisse le temps de le marquer (
comme la nuit dernière si seulement il se donnait le temps de s’en souvenir), avant qu’il ne retire sa main un peu plus précipitamment qu’il ne le souhaite.
Ce n’est pas du dégoût sur son visage, mais juste de la confusion. De la gêne. ⠀⠀⠀(
Un peu de désir.)
Il rit, mal à l’aise. «
Eh, désolé, j’suis pas de ce bord-là. »
Si tu savais.
Profitant que le barman soit proche, il se commande un autre verre et il t’en commande un aussi sans même te demander la permission. Distraitement, il regarde la trace de rouge à lèvres sur sa main ; comme un rappel qui lui gratouille l’arrière du cerveau, comme un mot qu’on a sur le bout de la langue. Liam ne se souvient pas de sa vie, ni de ses rêves ;
⠀⠀⠀ ⠀⠀⠀tout semble flou, brouillon chez lui.
C’est une sensation qu’il apprécie. Comme ça, on oublie tous les moments d’ennui.
S’il se souvient de toi, même vaguement, c’est sûrement qu’il ne s’est pas ennuyé avec toi.
«
Donc Alcyon, » il reprend pendant qu’il passe son pouce sur le maquillage, coloriant sa main en une couleur sombre, «
ça fait plaisir de te revoir même si j’sais pas d’où on se connaît. Mais mon instinct me dit que t’es quelqu’un de bien ! »
(Souvent, il ferait mieux de ne pas suivre son instinct.)
Les verres arrivent sur le bar, il pousse le tien vers toi et il lève le sien bien haut, presque assez pour le renverser. «
Alors, santé ! »
Santé, faisons nos vœux à tous ses rêves oubliés.