[Flash-back 2038] Give a hand {feat Will Burgess
-40%
Le deal à ne pas rater :
-40% sur le Pack Gaming Mario PDP Manette filaire + Casque filaire ...
29.99 € 49.99 €
Voir le deal

[Flash-back 2038] Give a hand {feat Will Burgess
Invité
Invité

Lun 7 Nov 2022 - 8:45

[Flash-back 2038] GIVE A HAND
Il y a les coups qui pleuvent. Il y a les insultes qui fusent. Les coups de pieds qui la font tomber au sol, dans un couloir déserté. Les rires moqueurs de filles superficielles. Les garçons qui obéissent docilement pour leur plaire. Il y a tout ça. Tout ce qu'elle déteste. L'école, elle déteste. Elle ne veut pas être ici. Pourquoi c'est toujours elle qui est prise pour cible ? C'est si amusant à leurs yeux, de s'en prendre à une adolescente abandonnée par les autres ? Elle les déteste. Autant ceux qui agissent que ceux qui ne font rien.

April est si faible, si frêle. Son regard fixe ses genoux égratignés, ne se lève pas plus haut pour ne pas les provoquer. Si elle ne fait rien, ça va passer. Si elle ne dit rien, ils finiront par l'oublier. C'est toujours la même résignation. Chaque année, le même raisonnement. Et chaque année, la boucle continue.

C'est de sa faute. Qu'ils aiment lui rappeler.

A cause de ses cheveux châtains si fins et insipides. A cause de ses yeux bridés rappelant ses origines. A cause de son corps de moustique. C'est elle qui le cherche selon leurs dires. April, elle ne pleure pas parce qu'elle sait que ce serait leur donner matière à continuer. Alors elle endure, jour après jour, nuit après nuit sentant la corde de sa vie qui se tend davantage, prête à se rompre et...

Un jour, les coups infligés ne la visent plus. Un jour, elle les voit qui sont blessés. Un jour, la justice a frappé et elle pense être sauvée. Cependant, ce n'est qu'une pensée éphémère. Il y a de la rancune dans leur regard, le mot vengeance employé, le col de son chemisier agrippé et tiré vers le haut, jusqu'à ce que ses pieds ne touchent plus le sol. Au fond, ça l'effraie. D'aspect, elle demeure une poupée.

A demi-mot, April entend un prénom. Une phrase qui indique qui est à l'origine de leurs blessures. Elle. Et lui. Et alors ? Ne l'ont-ils pas mérité ? Bande d'hypocrites.

- Bien fait pour vous.


Crache-t-elle, de son air intouchable. Ses lèvres s'étirent dans un semblant de sourire, arrogant. Un sourire qui disparaît bien vite, un poing rencontre sa joue, elle est sonnée, glisse contre le mur et émet une plainte. La sonnerie retentit, ils s'en vont, elle aussi. Pas dans la même direction, April se rend à l'infirmerie. Les explications n'ont pas besoin d'être données, l'adulte ferme les yeux comme toujours. C'est plus facile de ne pas voir les problèmes même quand ils sautent aux yeux.

Les soins donnés, l'infirmière s'absente pour aller prévenir le professeur. Elle leur demande de ne pas bouger, de ne pas causer de problèmes. A cet instant, April tourne le regard vers l'autre lit où est assis quelqu'un. Amoché, blessé. Ce qui l'interpelle, c'est sa silhouette un peu familière. Tout le monde le connaît, ce garçon violent et brutal qui frappe tout le monde sans réfléchir. Les rumeurs sont les mêmes. Les rumeurs, elle s'en fiche. Tout ce qu'elle sait, c'est qu'il est celui dont ses harceleurs ont peur. Il est celui envers qui, elle se sent redevable.

- Wi... William je crois...? ...


April chuchote, consciente que sa voix est déplaisante. Un peu trop morne, un peu trop aiguë. Son regard émeraude se cache derrière les mèches de ses cheveux plats. Un peu comme si elle se demandait, si elle avait le droit d'exister. Si elle avait le droit, de lui parler.

- Frapper ou être frappée... Ça ne changera rien. Ça ne prendra jamais fin.


April, aux ecchymoses sur le visage, les bras, les jambes, le corps entier. April qui ne cherche pas à lutter, s'est habituée à subir. April qui ose lever les yeux, première fois depuis longtemps, vers celui à côté d'elle. Elle n'en a pas peur, parce qu'il ne lui a rien fait. Il n'est pas à l'origine de sa peine. Loin de là.

- Merci de m'avoir aidée.
agora


avatar
Invité
Invité

Lun 7 Nov 2022 - 10:30

Il y a quelque chose qui tourne pas rond dans cette jungle, non qui tourne vraiment pas rond. Sait pas c'est quoi Will il arrive pas à comprendre il arrive pas à intercepter l'élément qui brouille sa vision qui brouille sa psyché. Tout ce qu'il sait c'est que c'est quelque chose de très très très fort de très très gros et de très très ennuyant aussi.
Tout ce bruit ça rend fou tout ce bruit ça rend marteau.
Dans les couloirs il y a cette faune locale qui s'agite cette faune locale sans muselière sans harnais sans attelage sans rien. Forcément qu'il doit y avoir des proies qui vont subir la connerie de ces animaux évadés forcément qu'il y aura des blessés parce que de crocs et de griffes longues ils n'auront pas assez.
C'est un truc que la nature a à la fois bien faite et très mal faite.
Il y en a c'est comme ça, ils ont la carcasse dure la peau épaisse les os solides blindés au calcium.
Et il y en a d'autres qui ont la chair à vif directement mise à la rude épreuve de la lumière, mise à l'épreuve des couteaux.
Oui, c'est comme ça.
Dans les toilettes pour les garçons, il y a Will.
C'est la récréation alors tous les autres ils sont dehors.
Ils jouent.
Ou ils tabassent.
C'est un peu pareil.
Il a compris ça, Will. Que y avait pas trop de différence entre dehors et dedans. Qu'on soit adulte ou enfant on s'en prend plein la gueule, c'est comme ça tout le temps.
L'eau froide coule sur les monts de ses phalanges roussies à la peau dégarnie. C'est pourtant très coloré vous allez voir, c'est même très rouge. Un rouge éclatant qui semble jaillir comme un fauve au milieu de toute cette céramique cruellement blanche façon dents de requin. C'est vrai que toute cette blancheur éclatante tourbillonne tout autour de lui, aveuglante et piégeuse, prête à lui bondir dessus pour l'étrangler.
L'eau coule sur les monts de ses phalanges roussies à la peau dégarnie. Ses phalanges roussies qui sont allées arracher un peu de peau à d'autres. Si on analysait l'ADN si on regardait à la loupe les globules qui s'y promènent on y verrait la trace de Jimmy ce petit con issu d'une famille de riches qui ont que ça à foutre de payer les caprices d'un gosse pour qui c'est jamais assez.
On y verrait aussi l'empreinte de Erwan, ah Erwan alors lui c'est marrant parce que c'est plutôt l'archétype de l'intello qu'on entend jamais dans une classe mais c'est un intello tellement intello qu'il a eu l'intelligence de se rallier aux connards de l'enceinte privée pour éviter de s'en prendre une, c'est malin non.
Il y aussi Julia forcément elle aime rire des éclopés mal fringués pour combler son propre complexe et puis il y a Chloe, Morgane et Céleste. C'est si triste d'avoir un si beau nom et d'être aussi terrée dans la bêtise.
Il a poussé un soupir en y pensant.

Oui. Et puis il y a elle.
Chevelure châtaine interminable qui s'évertue à dissimuler une barbaque pâle et creusée par l'absence de sommeil.
Des pupilles vertes paniquées qui scrutent les alentours comme les souris sortent de leur trou et vérifient avec urgence qu'aucun chat ne se promène.
Will l'a observée, cette souris. Il l'a observée comme un félin planqué dans son buisson, les mirettes grandes ouvertes, qui clignent jamais et qui lorgnent la proie potentielle. Proie qui se faisait déjà démolir par d'autres bêtes.
Will l'a observée longtemps. Les poings dans les poches. Le col du parka remonté à hauteur de son museau, on voyait pas s'il se moquait comme tous les autres ou si les babines fermées cachaient une rangée de quenottes prêtes à sévir sur les assaillants.
Mais maintenant on sait exactement à quoi il ressemblait Will Burgess, tapi derrière l'épais feuillage du lycée, l'œil torve et le silence cousu aux lèvres en prédiction de la future sentence qui allait tomber.
Ils sont trois à avoir pris la fuite vers les adultes quand Will est arrivé au coin de la rue où le trio salivait tranquillement dans l'ombre à l'idée d'un carnage prochain. Ils sont trois à s'être pris la mandale du siècle avec un Will aussi silencieux que colère, les jointures acharnées sans peur sans regret sans rien non plus. Il ne faut rien porter avec soi pour être libre de faire ce qu'on veut.
Ils ont répliqué comme ils ont pu ces trois imbéciles. Et dans le fond, l'arcade sourcilière ouverte la côte un peu abîmée et les bleus violets un peu partout sur la galaxie de ses contusions, ça lui a pas fait mal du tout. Il voit pas ce qui ferait plus mal qu'un rire pointu qui perce le silence pour aller détruire quelque chose d'important et précieux au fond de nous.
Les profs l'ont vu se pointer comme ça en cours avec la gueule déglinguée et les mimines enfoncées dans les poches. Ils savent, en général, qu'un gamin qui se ramène en cachant tout ça de peau, c'est un gamin qui a mal.
Va à l'infirmerie laisse tomber le cours d'aujourd'hui.
Et en même temps ça les arrange de pas devoir supporter la présence désastreuse et étouffante d'une bête comme Burgess. C'est pas plaisant de devoir expliquer l'arithmétique à un lion détaché.

Blancheur des lits. Du blanc partout, encore. Les aiguilles alignées sur le plateau chromé. Rideaux ouverts sur un paradis artificiel comme dans les films saints. Carrelage quadrillé comme une ville des États-Unis, ça lui rappelle Toronto.
Assis sur l'édredon qu'on lui a désigné, son regard fixe à terre. Suit le tracé des sillons noirs au milieu de ces dalles blanches. Il y a un moment où son parcours le mène jusqu'à une paire de chaussures. Puis une paire de jambes. Un torse, un cou et un visage.
La souris.
Il la regarde encore.
Les paupières qui ne se ferment jamais, mettent tout l'accent sur les cernes qui assiègent ses yeux bleus. Il a l'air d'une statue Burgess. Sa crinière blonde ébouriffée lui donne des airs de sauvage.
La souris parle. Elle dit quelque chose qui résonne dans toute l'immensité de l'infirmerie où il n'y a qu'eux.
William je crois.
Frapper ou être frappée ça changera rien, ça prendra jamais fin.
Mais merci de m'avoir aidée.

Silence.
Il la toise.
Le col de l'anorak descendu.
On y voit dépasser sa gueule parfaitement tendue d'un calme à faire frémir.
Comme toutes les autres fois, la souris essaye de s'échapper derrière ses longues mèches décolorées. Un rideau à travers lequel le regard de Will se fraye un chemin.

- C'est des connards.

Craché dur sec. Comme un jet de pierres.

- Ils avaient pas à te faire ça.

C'est le jugement qui l'a conduit à agir.
Est-ce que la souris, elle souffre de ses blessures physique ? Ou ce qui se passe sous la peau, sous les os, ça fait plus mal que tout le reste.
L'œil se plisse devant l'injustice.

- En plus, trois contre un ça se fait pas.

Oui, en plus.

- Qu'est-ce qu'ils ont dit ?

Médecins, docteurs, éducateurs. Ont-ils seulement émis le moindre soupçon d'inquiétude à découvrir des tronches déglinguées comme les leurs ? Ou les envoyer à l'infirmerie c'est un moyen d'enfermer et oublier les bêtes trop différentes des autres.

- Je ferai du bruit. Plein de bruit. Plus de bruit que eux tous réunis. Et tu vas voir, ils pourront plus jamais ignorer ce qu'ils ont fait.
avatar
Invité
Invité

Lun 7 Nov 2022 - 18:40

[Flash-back 2038] GIVE A HAND
Il y a du bleu dans ses yeux, quelques belles nuances de sombres océans et de clairs cieux. De la lueur qui en émane, rien ne la fait trembler. Il y a de la force, celle qui lui fait défaut depuis toujours. Il y a de la fierté, celle admirée et qui provoque la crainte. Il y a de la beauté et de la vie. Quelque chose qui a cessé de l'habiter depuis longtemps. Elle qui se laisse faner. Lui qui se bat pour vivre. Il y a de l'intensité qui l'empêche de bouger. Un rapide échange d'un regard fatigué à un explosif. Un regard prêt à bondir sur une proie. Pas elle. April baisse les yeux, éternelle soumise aux décisions et actions.

Silence. La fermeture du manteau descend, laisse apercevoir son museau, ses lèvres un peu abimées. L'azur traverse la barrière de ses cheveux, elle s'en détourne tout aussi vite, peur d'affronter un félin bien trop imposant. Surtout lorsqu'elle n'est qu'une souris au pelage couvert de poussière. Et, les mots percutants se  font entendre. A tel point qu'April a un sursaut, choquée par l'insulte. Ce n'est pas à son égard pour cette fois.

C'est de la considération. Pour elle. Du soutien. Pour elle. Quelqu'un qui s'interpose. Quelqu'un qui réagit à l'indifférence. Pour elle. Quelqu'un. Enfin une personne. Seulement une mais ça change tout. C'est réconfortant. Un peu chaleureux aussi. Son cœur bat une ou deux fois, un peu trop fort, un peu trop touché. Et la joie, et le bonheur font briller ses prunelles, d'un espoir inconnu. Un soleil qui pourrait bien la brûler, s'il s'avère factice.  

Rappel au réel. Son corps hurle de douleur. Ses membres endoloris attestent de sa peine. April porte une main à son visage pour frotter sa joue. Peut-être que si ça s'arrête, elle pourra guérir. Mais ça ne s'arrêtera pas. Jamais. C'est toujours ainsi. Alors sa peau restera tachetée de bleu et de violet et les cicatrices jamais ne se fermeront. A quoi bon croire si ce n'est que pour le désespoir. La résignation n'apporte aucune souffrance.

- Ils le font souvent. Je me demande si c'est pareil ailleurs. Ou si ce n'est qu'ici.


April ne se plaint pas, April n'en voit pas l'intérêt. Elle ne veut pas être princesse à sauver, elle ne veut pas encombrer les autres avec ses tourments. Elle sait que l'école sera finie lorsqu'elle atteindra l'université et à ce moment, toutes les années de chagrin prendront fin. Ce n'est qu'une question de temps. Un temps qui s'écoule bien trop lentement.

Un sourcil se relève, un sourire s'esquisse, un peu amusé par ses mots. Ce n'est que de l'ironie. Parce qu'il n'y a rien de drôle là-dedans. C'est dérisoire.

- Même en un contre un, je ne gagnerai pas.


Un corps menu, des membres fins, aucun muscle. April est une brindille qui se brise à la moindre gifle. Un coup et c'est fini. Mais un coup, ce n'est pas amusant. Il en faut toujours un peu plus pour les calmer.

William lui pose une question, un peu inattendue. Elle cligne des paupières avant que ses épaules ne se relèvent, péniblement. Il demande vraiment ? Il sait. D'erreur en erreur, tous sont coupables, tous se sont passés le mot. Il faut toujours un élève comme cela, dans les classes. Un qui permet de se défouler, de canaliser les autres. Un pointé du doigt.

- Ils ne disent rien. C'est plus facile pour eux, pour mes parents, pour moi. Pour tout le monde.


C'est plus facile de faire comme si tout allait bien. Comme si rien de mal n'arrivait. C'est plus facile d'être aveugle dans son mensonge que de voir la vérité. Autant pour les professeurs que pour ses parents. C'est mieux de croire qu'elle est tombée qu'elle n'est maltraitée. April plie ses jambes, appuie ses chaussures contre le lit et vient poser sa tête sur ses genoux.

- Ça me va. J'aime bien le bruit que tu fais. C'est bien plus doux que tout le reste. Que tous ceux qui en abusent.


C'est le seul bruit qui lui est venu en aide. Le seul qu'elle accepte, pour le moment. Et c'est parce qu'il est le seul, qu'April y tient un peu. Assez pour ajouter d'autres mots, de sa voix encore murmurée, peur de déranger.

- ... Mais ne te fais pas mal. Si ton bruit prend fin, ça serait triste.


agora


avatar
Invité
Invité

Mar 8 Nov 2022 - 11:29

- Non, c'est partout.

ll va être clair directement. La violence elle est partout, pas juste sur un croissant de terre. Oh non, ce serait si beau.

- C'est contre toi-même que faut gagner.

Renâcle comme un vieux cabot. Un coup du droit qui lui remonte le long des os, le long des boyaux.

- Quand tu gagnes contre toi-même, tu gagnes contre tous les autres.

Ses babines s'agitent nerveusement. Comme si en-dessous la langue fouillait à travers les canines.

- Quand t'as pas peur, c'est toi qui fais peur.

Elle raconte que personne dit rien.
Elle dit aussi qu'elle aime le bruit qu'il fait. C'est doux.
Mais que faut pas qu'il se fasse mal. Parce que si ça prenait fin, ce serait triste.
C'est là qu'il hausse un sourcil.

- Pourquoi triste ?

La porte s'ouvre.
Le visage de Burgess pivote de trois-quarts vers la silhouette habillée d'une blouse blanche qui vient d'entrer.
Lunettes sur le nez. Le petit bilan sous le bras, mais c'est pas leur bilan à eux deux hein, faut pas déconner.
Quand la blouse blanche aperçoit Burgess, on peut sentir l'atmosphère devenir subitement très lourde.
Le doc accélère le pas, va chercher ce qu'il faut sur le bureau dans le fond. On voit qu'il s'attendait pas à trouver des gamins là. Surtout ceux-là. La souris, ça va. Mais pas le chat qui est censé la dévorer, et qui ne le fait pas.
Lorsque la présence adulte disparaît de nouveau derrière la porte, Will décide qu'il est l'heure de se lever. Ses semelles s'écrasent au sol, éclaboussent le carrelage avec de la terre et des cailloux.
Il approche du chariot avec tout ce bordel de médocs, de bouteilles et de bistouris. C'est dangereux d'ailleurs, de poser ces couteaux miniatures comme ça à la vue de tout le monde. Mais peut-être qu'ils le font exprès pour dissuader d'aller fouiller les tiroirs.
Will attrape les produits les uns à la suite, on dirait qu'il lit. Il tourne rapidement les objets dans ses mains, parfois on voit que quelque chose l'intéresse, parce qu'il regarde la facette arrière pendant longtemps. Et parfois, on voit qu'il a même pas cherché à lire les premiers caractères.
À un moment, ses yeux accrochent une petite boîte blanche, avec dedans des plaquettes en alu et leurs gélules.

- Ceux-là, ma mère les prend.

Il regarde pas la fille. Il regarde la boîte.
Puis la repose.
Et enchaîne sur un autre packaging.
Les compresses ont l'air de l'intéresser. La bouteille d'alcool aussi.
À un moment, quand sa nuque se redresse, on a l'impression qu'il vient de se rappeler de la présence de la fille.

- T'as vu comment ils nous a ignorés ? Le type qui est passé. Il avait peur.
avatar
Invité
Invité

Sam 12 Nov 2022 - 23:31

[Flash-back 2038] GIVE A HAND
Ce n'est pas qu'ici. Ce n'est pas qu'à cause d'elle. C'est le monde qui est façonné de cette façon. Les forts brutalisent les faibles, imposent leur domination. Sans que personne n'y fasse attention. Pourquoi s'embêter à sauver une souris d'un chat ? C'est la loi de la nature, s'ils veulent jouer avec leur nourriture, personne ne les en empêchera... Mais William s'est interposé. Il y a bien une personne qui ne rendre pas dans le moule que la société égoïste a façonné.

April ferme ses paupières, souffle défaitiste.

- Alors partout c'est l'enfer.


Le lion rouvre la mâchoire, grogne des conseils qui laissent la jeune fille hébétée. Ce sont des paroles dignes du roi de la savane. Comment pourraient-elles bien atteindre la proie la plus fragile ? C'est impossible. Parce qu'April ne gagne pas. April se laisse aller, d'un côté à l'autre, lorsqu'elle est secouée comme un pommier. Elle se laisse insulter, elle se laisse maltraiter. La raison est évidente, elle est si faible qu'elle se casserait les bras dans la lutte, elle est si peu athlétique qu'elle finirait par s'épuiser avant d'avoir porté la moindre riposte. Son être est voué à la défaite.

L'adolescente rouvre ses paupières, relève légèrement le menton pour le fixer.

- J'ai pas peur. Mais c'est pas pour ça que t'as peur de moi.


Et pourquoi a-t-elle dit cela, d'abord ? Pourquoi, elle agit comme s'ils étaient proches alors qu'ils se parlent pour la première fois ? April sent son visage prendre quelques rougeurs. Sa détresse est tellement présente qu'elle s'accroche à lui ? Elle passe ses mains sur sa chevelure, l’aplatit un peu plus. Il risque de la trouver bizarre à se murer dans le silence. Alors, elle entrouvre ses lèvres.

Parce que-. La porte s'ouvre, un peu trop fort, un peu trop vite. April qui sursaute, s'empresse de faire tomber ses jambes le long du lit, de retirer ses pieds des draps. Droite, les mains sur les genoux, son regard observe la direction que prennent les jambes de l'adulte. Il ne se dirige pas vers eux, non, il les ignore, aucun mot, aucun soutien. Il passe et s'en va, refermant la porte derrière lui. Hypocrite. Lui aussi, comme tous les autres. Il n'y a aucune exception.

April observe son camarade se lever, farfouiller le chariot. Silencieuse, elle ne désire pas le déranger, elle s'efface jusqu'à ce qu'il parle. Cela dure quelques minutes, quelques longues minutes qu'elle passe à observer, sans rien dire. Au moment où il reprend la parole, elle enchaîne, curiosité mal placée.

- ... Ta mère va mal ?


C'est indiscret. April ne s'en rend compte qu'après, elle espère qu'il ne l'a pas entendue, qu'il l'ignore si c'est ce qu'il préfère. Ce n'est pas comme si cela la changeait de d'habitude. Mais non, William continue la discussion, April penche la tête sur le côté, lève son regard au plafond et réfléchit. Peur ? De qui ? Elle, lui, ils sont inoffensifs. Deux enfants cassés par les coups, comment pourraient-ils faire peur ? Elle secoue la tête.

- Non. T'es pas effrayant. T'es pas un monstre toi.


April marque une pause avant de reprendre.

- Tu t'en vas déjà ?

agora


avatar
Invité
Invité

Jeu 17 Nov 2022 - 18:14

Il va pas la contredire à propos de l'enfer.
Même quand les gens ils dorment, ils peuvent vivre l'enfer. Ils peuvent vivre des guerres. Ils peuvent perdre des batailles dans leur sommeil. Quand il voit sa mère se débattre dans sa somnolence comme si la faucheuse l'avait retrouvée jusqu'au creux de ses songes, il se dit que oui, l'enfer c'est pas juste une image de feu et de mort dans un livre. L'enfer c'est bien le piège de métal dans lequel ils sont tous pris.
Pas peur mais toi. T'as pas peur de moi toi. Non toi t'as pas peur...
Elle sait pas bien de quoi il pourrait avoir peur Will. Si elle pense qu'il a pas peur d'elle parce qu'elle représente pas un danger, elle se trompe lourdement. La peur c'est pas juste être devant quelque chose de dangereux. La peur c'est aussi celle d'accepter d'être heureux. De recevoir une caresse. La peur c'est confronter ses doutes à la vérité. Il a la peau épaisse pour les ripostes, pour les cris et les coups de canon. Mais quand il s'agit d'une tendresse ou d'un seul mot d'amour, qu'est-ce qu'il est fait de cristal Will Burgess.
Dans ses mains jonglent les produits. Parfois ça n'a aucun sens, c'est juste des sédatifs, des compresses, des lotions à appliquer, des liquides à boire. Il joue au scientifique quand elle demande à propos de maman.
Maman.
Ça aussi, c'est une peur qu'il a.
Une fois que le sujet est mis sur la table, trop tard, les doigts de Will se crispent autour des médocs. Il a cette paralysie qu'on a quand quelqu'un nous interroge trop efficacement sur quelque chose de sensible. Son silence se fait à mesure qu'il réfléchit à ce qu'il peut bien répondre, parce qu'à lui aussi, ça lui arrive de réfléchir. C'est pas seulement destiné aux adultes.

- Je sais pas ce qu'elle a. C'est depuis longtemps.

Il regarde par terre. Au pied du chariot. Comme si la réponse était coincée sous une roulette. Non, il compte les lignes qui strient le carrelage.

- C'est comme si elle avait mal. Alors elle dort pour plus avoir mal. Pour oublier. Je sais pas si ça marche. Si ça marche vraiment.

Y a des blessures que les médecins savent pas soigner, savent pas détecter. Celles-là c'est les blessures les plus compliquées, les plus enfouies. Tellement que ça nous gangrène et on est même pas capable de savoir pourquoi ça fait ça. Mais ça brûle. Ça brûle à l'intérieur.

- Si je m'en vais, tu viens avec moi ?

C'est elle qu'il regarde maintenant.
Il fait le détail de son visage.
Peut-être pour pas l'oublier.
Elle a le regard assiégé d'une fatigue mortelle. La crinière froide et plate, qui lui encadre le visage comme deux barreaux d'un grillage. Et puis cette manière qu'elle a de se replier sur elle-même. C'est vrai qu'elle a tout pour qu'on la désigne comme bouc-émissaire facile.
Will a lâché les antiseptiques et les pansements. Il a les plaies ouvertes au contact de l'air, et pourtant de fatigue il ne transparaît pas sur sa gueule.

- C'est quoi ton nom ?

Poings dans les poches. Le regard qui dévie vers la fenêtre.

- On va se casser. Voir ce qui se passe dehors. J'peux pas rester enfermé. Ici ça pue trop. Tu viens ?

À nouveau il la toise, sans rancœur ni amertume. Il la regarde simplement comme quand on demande à quelqu'un où étais-tu pendant tout ce temps.
avatar
Contenu sponsorisé