Ce soir encore elle se dit
C'est mon choix, c'est ma vie.
Elle se dit que les choses ne changeront jamais si personne ne finit par l'arrêter (elle n'est pas idiote) elle sait bien que ça finira par arriver. Elle se dit qu'elle va encore ruiner la nuit de quelqu'un, briser des rêves, venir tâcher ses mains si blanches d'un rouge trop réel.
Elle sera la méchante, encore aujourd'hui.
Le cauchemar de minuit.
C'est toujours déprimant.
(Pourtant elle est anesthésiée.)
D'entrer dans un monde si doux, si bienveillant. Aux couleurs chatoyantes, à la verdure abondante et saine. Aux papillons qui volent autour d'elle. Quelque chose de familier et d'inconnu, mais qui lui fait penser que c'est un endroit plein de sécurité.
(Et qu'elle vient tout ruiner.)
Puis elle entend ta voix et elle se dit
(Qu'est-ce que je fais ici ?)
Que le hasard a un drôle de sarcasme
(Mais elle ne croit pas au hasard, non)
Alors elle se dit que c'est une cruelle circonstance.
Elle regarde ses mains, profitant du fait que tu ne puisses pas encore la voir.
(Réfléchis, Nastia.
Est-ce que ce soir tu ne penses qu'à ça ?
Est-ce que tu viendrais à tuer une amie ?)
Elle l'a déjà fait.
Akira en paye encore les frais.
(Rien ne m'arrête.)
Car après tout elle n'est ni bonne, ni généreuse, ni bienfaitrice.
Mais elle repense, tu vois.
A ta tendresse, ta vulnérabilité.
A ce que tu lui as raconté et
c'est le pincement à la poitrine qui gagne, ce soir.
Elle blâmera les papillons.
Alors elle laisse ses traits se détendre et faire leur magie, quitter son apparence masculine pour, pour une fois, arborer ceux qui font d'elle qui elle est au quotidien.
Elle n'est plus lui non elle n'est que
Anastasia.
alors qu'elle s'approche de toi, de cette lenteur qu'ont les gens qui ne veulent pas effrayer. Sa toute petite silhouette se détaille des arbres et la voilà, un sourire aux lèvres trop tendre pour ne pas être sincère.
(Pour toi, seulement.)
Car pour bien d'autres ça aurait finit autrement.
Mais parfois elle se laisse aller à l'affection.
A l'écart de ses fonctions.
Désolée, je te dérange ?
Le ton inquiet
(car c'est vrai, elle s'inquiète)
elle n'ose pas prendre un pas de plus, les doigts qui jouent avec les pans de son haut.
Je peux m'en aller, si tu veux. Je ne veux pas déranger ton rêve. Il a l'air agréable.
L'ironie du siècle.
Mais certains rêves méritent de continuer.