Bonne journée.

...ponctue le tintement du carillon et la porte qui se ferme. La pluie battante continue le doux hymne des jours sombres de printemps alors qu'elle se détourne de l'entrée. Le picotement de l'eau contre la vitrine la berce quand elle sort de leur enveloppe quelques dernières trouvailles.
Du tissu soyeux roule dans sa main des pierres colorées polies comme la glace. Le bout de ses doigts les caresse, en teste le poids dans le creux de sa paume, finit par en soulever une pour la mettre à hauteur de son regard. Un kaléidoscope de lumière et de fractures se disperse dans la petite existence brillante, de millions de portes ouvertes et pourtant fermées.
C'est un trésor entre ses doigts que le monde a pourtant légué à son antre, abandonné.

Elle s'occupe, Nastia.
Dans les jours paisibles de sa boutique maintenant bien silencieuse depuis que son seul autre habitant est parti. Seule mais pas isolée. Les gens viennent et partent aux battements de porte, au ruissellement d'ailes métalliques de l'entrée. Et elle s'y plait, Nastia. C'est comme une deuxième maison.
(Mais pourtant rien ne l'est.)

Elle pense s'entourer avec tous ces objets, tous ces clients, mais rien ne lui rappelle vraiment plus un foyer qu'un pays dont elle est partie, et des gens qui ne sont plus là. Alors elle bricole de ses mains frêles des rayons de perdition où les gens s'égarent et ramènent chez eux des objets tout aussi perdus que son être.
(Au moins eux se mettront au chaud loin de l'hiver.)
Mais c'est dans la neige qu'elle vit, Nastia.
Dans le froid et le vent sec.
(Ma patrie s'envole,
Mais mon coeur reste à terre.)

Elle range un peu.
Les livres déplacés, les armoires chamboulées. La petite vitrine avec quelques bricoles mal alignées. Un coup de balais, aussi. La poussière a la vie tenace dans les babioles d'un autre temps. Des babioles mais aussi des parures, et des dorures, et des chefs d'oeuvres et des pièces précieuses. Du tout, du rien, de la pauvre bille au meuble prestigieux. Tout à l'ancien, mais de tout pour tout le monde. Que de quoi faire des heureux.
Alors elle travaille dur, Nastia.
Rendre les gens heureux, c'est ce qu'elle essaye de faire au mieux.
(Et quand le tintement reprend,
Et que tu poses pieds dans son foyer,
Elle se tourne vers toi avec un sourire
Prête à t'offrir tout le bonheur qu'elle peut avoir à donner.)

  Bonjour...-

Mais voilà que tu n'es pas qu'un vague visage, tu es un courant d'air familier qui attendrit ses traits et son sourire un peu plus comme si le soleil revenait, et que la pluie qu'elle chérit malgré tout n'était plus tant.

  Bonjour, Violet.

Elle appose son balais contre une étagère, tapote machinalement le devant de sa robe pour en chasser la poussière qui s'y est attachée et ramène sa tresse par dessus son épaule. Toute son attention t'est désormais dédiée.

  Comment tu vas ? Il pleut averse dehors, j'espère que tu n'es pas trempée. J'ai de quoi te réchauffer s'il faut.

Un petit privilège pour ceux qu'elle ne connaît pas assez mais plus qu'un peu trop.

  Qu'est-ce qui t'amène à ma porte ?

Car malgré le mauvais temps, elle est curieuse.
Et le tintement de la porte qui se referme indiquant ton reste ne la rend que plus heureuse.