Elle se laisser happer dans son orbite, Polina,
tous les neurones qui lui hurlent que
c’est la lutte ou la fuite, tu dois choisir.
Mais t’es figée sur place, Polina,
c’est peut-être la glace qui a figé tes veines depuis trop longtemps
(les intempéries ne t’ont jamais réellement quittée).
Le sourire qui te fait face est plein de mensonge, tu le sais,
tous comme tes propres sourires tellement faux,
dont tu aimes tant te servir pour faire croire, pour
faire semblant,
que toi aussi tu peux être quelqu’un de bien,
mais Nastia elle est
un rappel si tendrement brutal que tu n’y arriveras jamais,
(après tout elle n'est pas comme toi, Nastia,
elle n’aurait jamais dû te connaître,
et encore moins rester à tes côtés)
tu te dis déjà chanceuse d’avoir pu la connaître et
t’es égoïste mais tu n'es plus désillusionnée,
ton temps avec elle est écoulé, t’en as même un peu abusé,
t’en as gagné un peu plus avec des promesses mais
c’est fini, les montres tu les as cassées, tu t’es coupée sur le verre et éraflée avec les aiguilles
et un jour peut-être que les plaies seront guéries
(tu te dis que la laisser
t’effacer de son existence,
c’est le meilleur cadeau que tu puisses lui faire)
Elle est si proche et elle est
différente un peu, Nastia
(tu ne sais pas si c’est les vêtements ou dans le regard)
mais quelque part dans ses traits, ou bien dans les ombres et les lumières,
il y a quelqu'un qui ressemble à celle qu’elle a toujours connu
et ça l’abîme un peu plus à l’intérieur, Polina.
C’était cruel, mais au fond c’était
un peu ce qu’elle méritait, Polina
(regarde ce que tu as perdu, regarde ce qui ne sera jamais tien car
tu ne mérites rien, rien de bon, et encore moins les parfaits idéaux, la beauté et la bonté,
c’est pour
les gens bien ça, pas les gens comme toi)
même si quelque part tout au fond tu ne peux t’empêcher de te demander
pourquoi tu ne m’as pas prise avec toi vers ces jours un peu plus doux, j’aurais pu être
quelqu’un moi aussi, ou du moins,
pour toi j’aurais essayéElle aurait voulu mentir, Polina,
dire que ça va bien, que tout allait bien, qu’elle n’avait pas besoin d’elle pour être heureuse, qu’elle se porte parfaitement merci,
et d’habitude, elle a le mensonge si facile, la langue-venin et imposture,
(même avec Nastia,
surtout avec Nastia)
mais ce soir l’alcool engourdit un peu l’esprit et les mots, et tu dois redoubler d’effort pour réprimer la sincérité qui te brûle les lèvres et menace de faire vibrer tes cordes vocales
(des fois t’as envie de tout lui dire, tout lui avouer,
la supplier de bien vouloir de toi)
(t'es un peu pathétique, tu crois)
Elle hoche la tête, Polina, dans la même stupeur veloutée dont elle ne parvient pas à se débarrasser.
Ça fait un bon moment, oui… Je ne m’attendais pas à te voir ici, c’est pas trop ton genre.(c’est pas son genre d’endroit,
ou du moins, pas le genre de la Nastia qu’elle connaissait,
et elle a peur, Polina,
qu’elle ait entièrement disparue).
C’est toujours la même chose, mais on fait avec.Après tout c’est ce que tu as toujours fait et tu ne changes pas,
tu ne changeras jamais.
Et tu te fermes déjà à elle, Polina, tu le sais,
tu économises tes sentiments, c’est
plus facile pour toi de te cacher derrière tes remparts ignifuges.
Et quand elle lui dit qu’elle est
heureuse,
elle essaye de ne pas réagir, de calmer son coeur qui bat à la rendre malade,
car tout au fond elle le sait, c’est
faux, comme tout le reste,
(pourquoi est-ce que tu la rendrais heureuse?
tu ne lui apporte que misère et mauvais souvenirs)
car quand bien même c’est artificiel, t’es assez éperdue, assez désespérée pour t’y accrocher,
juste un peu, une flamme dans le blizzard,
c’est peut-être un peu malsain, mais t’as jamais été douée pour prendre soin de toi.
Vraiment ? Pourtant y’a aucune raison, on s’est juste croisées par hasard, ça ne veut rien dire.Les mots lui tranchent la gorge au passage,
elle aurait voulu dire tellement de choses Polina, d’autres choses
des trucs comme
moi aussi, tu m’as manqué, quelle coïncidence, ça fait plaisir oh on doit avoir tellement de choses à se diremais t’es triste, Polina, tu gardes celle qui t’es le plus chère le plus loin possible
à bout de bras dans les nébuleuses
et c’est pour elle que tu fais ça
(si tu l’aimes, laisse-la partir).