la plage novembre Kuragari
Polly, tu l’écoutes sans vraiment écouter. Ce n’est pas une discussion avec un énorme intérêt. A votre habitude, en réalité. Vous ne creusez jamais vraiment très loin, vous prenez toujours dans vos discussions les chemins bassinant le quotidien. Jusqu’à présent, ça lui convient, ça te convient, parce qu’elle ne dit jamais rien, parce qu’elle ne va jamais à l’encontre de tes paroles ou de tes actions : elle se contente de suivre et si elle est en désaccord, tu penses qu’elle serait capable de l’opposition. Tu ne rends probablement pas compte de qui est ta collègue ou peut-être ton amie, parce que vous n’avez jamais vraiment rien partagé, vous n’avez pas échangé les infimes puzzles de vos vies.
- La journée c’est toujours trop bondé. Les gens hurlent, crient, alors que la nuit… Ou le soir, on est plus libre je trouve.
La plage est quasi vidée et ça t’arrange bien. Ce n’est peut-être pas la meilleure période de l’année, mais le temps commence doucement à se réchauffer alors tu campes sur tes envies sans faire de simagrées. Ta bière à la main, tu prends une première gorgée :boire avec modération, c’est bien ce qu’ils disaient sur les stands de prévention, mais t’as jamais aimé lorgner la réglementation.
- Ça m’arrive, mais pas tant que ça. Je t’avoue que je suis plutôt sur les routes à faire quelques bricoles.
Ce que tu appelles bricoles, ce sont tes affaires. De mauvaises combines dans lesquelles tu t’affaires. C’est dire que les conneries tu les accumules. Cependant, ce ne sont pas des histoires à compter, mais bien des courants d’air à se prendre en plein visage : c’est encore plus bouillant que les canicules. Alors t’es vague, tu ne pourrais pas vraiment expliquer, tu ne pourrais pas même l’imager par des paroles. T’es dans l’action et pour avoir accès à toutes ces cabrioles, il te faudrait un moyen de locomotion : ta voiture pourrait te servir, mais la plage est votre nouvelle excursion. Çà change de la voiture et des manèges éclairés, gueulards, et de l’odeur sucrée des snack qui finissent par t’écœurer.
- Un jour, peut-être que je t’emmènerai... Et toi Kura, tu fais quoi quand t’es pas au travail ?
C’est dire que depuis le temps, vous auriez pu creuser, le voir, mais personne ici ne s’est laissé distraire par sa curiosité. Polly, tu ne sais pas ce que ça fait de t’intéresser vraiment aux autres. T’es peut-être un peu trop individualiste pour te faire de vrais potes, à moins que cela soit parce que tu ne sais ni marcher, ni courir : à pied joint tu sautes. T’as tendance à bousculer les autres. T’es à côté de la plaque dans un monde où tu ne sais pas rêver, dans un monde où le monde onirique est la nouvelle activité préférée.
De l'eau, elle commence doucement à s'approcher et jette un coup d'œil à l'horizon.
On dit que l'air marin fait du bien, mais tu ne crois pas en leurs opinions.
Tu aimes seulement avoir l'impression de partir en voyage, loin de la civilisation.