À chaque fois, Lance rit des réponses que Kuragari lui donne. Elle sait qu’il se moque d’elle, mais elle le laisse rire tant qu’il le veut, parce qu’elle a envie de croire que ces quelques secondes, où son expression change et éclate, restent sincères. Lance est un mystère que Kuragari ne cherche pas forcément à élucider parce qu’elle sait ce que c’est, de prétendre quelque chose qu’on n’est pas vraiment, elle apprécie seulement à l’observer toujours un peu plus. Même si elle ne le dira pas, elle est contente et rassurée de le revoir.
Elle le laisse rentrer à l’intérieur et faire comme chez lui, c’est une habitude qu’ils ont prise à force de se côtoyer, maintenant son appartement est aussi un peu son chez lui. Bien trop petit pour ne pas s’imposer, mais la compagnie reste toujours appréciée. La réponse qu’il lui donne après s’être enfin installé n’est pas vraiment celle que Kuragari attendait, forcément. Avec Lance, elle est obligée de jouer, obligée d’être un peu sincère même quand elle veut tant se retenir et se tenir loin de lui :
« Alors, pourquoi tu l’as pas fait avant ? »
Elle n’est pas sûre d’avoir une réponse à sa question, vaut peut-être mieux changer de sujet avant de s’aventurer sur un terrain trop glissant, vers quelque chose où il serait impossible pour Kuragari de se cacher derrière ses faux-semblants. À la place, elle préfère retourner s’asseoir au bord de son lit face à Lance, là où elle était avant qu’il n’arrive. Et maintenant, il s’intéresse à elle, mais il la pique tout autant en lui demandant de plus dormir, si seulement elle pouvait. Elle soupire et fronce des sourcils, comme à son habitude avec lui, faut croire qu’il est toujours là pour la taquiner. Et ça marche.
« Je vais bien, tu sais très bien que j’ai toujours eu des troubles du sommeil et ça ne va pas changer. Pas ma faute si mon air fatigué te dérange, tu devrais t’y habituer… »
Kuragari peut essayer de repousser Lance autant qu’elle le veut, rien n’y fait car il n’a pas fini avec elle. Elle le voit sourire un peu trop pour que cela rassure, elle le fixe un peu trop longtemps et la nouvelle taquinerie qu’il a imaginée pour elle la prend trop vite de court. D’habitude, Kuragari est plutôt réceptive au flirt et pourrait aller dans le bon sens sans prétention, mais pas avec Lance. Elle sent ses joues chauffer et rougir sans même qu’elle puisse y penser, c’est qu’elle apprécie l’homme en face d’elle un peu trop, c’est qu’elle ne peut pas s’imaginer être tactile d’une quelconque manière avec lui. C’est surtout que ça fait des années qu’elle n’avait plus dormi avec quiconque.
Elle met du temps à réagir, trop longtemps et ça en devient maladroit.
« Pourquoi tu me dis ça ? C’est une proposition ? »
Les derniers mots sont prononcés bien trop faiblement et finalement, Kuragari se relève brusquement de là où elle était pourtant confortablement installée. Elle fuit, ne supportant plus le regard taquin de Lance et elle se retrouve dans la cuisine. Elle n’avait pas envie de jouer à ce jeu là, elle ne pouvait de toute façon pas jouer à ça, elle finirait par être trop honnête et ce n’est pas ce qu’elle souhaite.
Elle ouvre un tiroir machinalement et en sort un paquet de cigarette qui n’a plus été touché depuis plusieurs jours déjà. Kuragari n’est pas une fumeuse pourtant, mais elle sait que Lance lui, fume. Elle hésite un peu avant de retourner le voir, mais elle sait que ça ne sert à rien de rester loin de lui trop longtemps, c’est de toute façon ridicule dans un tout petit appartement. Elle revient le voir, paquet et briquet dans sa main et se plante devant lui, puis tend une cigarette.
« J’ai envie de fumer soudainement, tu en veux une aussi ? »
C’est ses favorites, elle le sait, elle l’a déjà vu faire et Kuragari, elle ne se laisse le droit de fumer qu’avec lui.