Réel. Un petit mot qui incarne une grande partie du monde. Une partie qui t'es propre, familière. Une partie qui lui est inconnue. Et comme beaucoup de ces parcelles qu'elle ignore, elle se fait la réflexion qu'elle aimerait bien la découvrir. Elle a appris, Nastia, qu'il y a quelque chose d'enivrant à découvrir une terre méconnue, des paysages nouveaux, une langue à la sonorité chantante, une culture fantasque pour les non-initiés. Elle l'a appris en venant ici - c'était mélangé à la peur des nouveaux débuts, d'arriver dans une île sauvage sans repères, sans ressources
(seulement avec Polina)
mais Polina elle est plus là.
Alors il lui reste rien, même si elle semble tout avoir.
(Travail, amis, de l'argent décent, le bonheur.)
Quelle belle farce.
(Mais faut bien garder la face.)
J'aimerais bien y aller, un jour. Ca sonne chouette.
Peut-être même que ça serait mieux qu'ici.
(Les rêves elle aime pas ça, tu sais.
Elle prend pas non plus plaisir aux siens ;
Quand elle s'en rend compte elle dit à sa conscience
Non, reviens.
Parce qu'elle mérite pas de douceurs,
Elle mériterait même un peu d'infortune.)
Peut-être même que c'est toi qui lui apporteras ça.
(Elle sait pas, mais quand tu prends son col
comme ça bah ça ferait presque un peu peur.
Elle, elle dirait pas qu'elle a peur mais elle dira bien que son coeur
il a coulé dans sa poitrine ;
pas de ce saut joyeux ou d'excitation, non
ce poids qui s'enfonce comme un sentiment nauséabond.)
Ah, toi aussi tu veux que ça finisse de cette façon ?
Parce qu'elle sent la colère et
elle sait, Nastia (trop amère)
que la violence peut se faire avide mère.
Elle a les épaules qui ont tressauté, cet arrêt dans ses mouvements qui prouve déjà qu'elle est prête à encaisser le coup (c'est l'habitude tu comprends, y'a des réflexes qu'on perd jamais vraiment) et son regard qui se fait plus fin, aux aguets.
(Mais c'est trop tard, souvent.)
C'est comme ça que ça finit quand on veut donner
leur chance aux gens.
Pourtant elle ravale un soupir tremblant (encore - faut garder la face quand on est grand) pour soutenir ton regard, tenter d'avoir le ton le plus calme possible.
(Parce que c'était juste la surprise.)
Elle veut croire que malgré tout, ça peut aller.
(C'est beau le déni, pas vrai ?)
Oui, parfois.
Pas aussi souvent que certains.
Plus que d'autres.
C'est pas pour fuir pour autant.
Elle voudrait dire qu'elle a le ton certain mais voilà c'est que
si jamais tu voulais
elle est petite et frêle
et facile à casser.
Si je devais dire, je déteste les rêves lucides.
Une teinte de ressentiment qui passe dans l'hazel.
(Détester, c'est dire gentiment.)
Sincèrement.
Elle cherche pas à se reculer, elle a peur que tu tires plus fort.
Mais les raisons n'ont pas l'air de t'importer plus que ça, ça a surtout l'air de te déranger.
Et elle ose, tu vois.
Elle ose parce qu'au pire elle y perd quoi ?
(Elle est déjà fracassée au fond, y'a même plus de miettes à briser.)
Pourquoi ?
La question à dix milles balles, ça.