saigne.
le cœur, le corps - la bassine en est pleine.
de regrets, de coupures, d'un liquide d'or rouge
(et le monde bouge et l'on
songe songe songe)
on laisse les soucis s'en aller, s'envoler.
(on choisit la facilité)
mais la vie est dure.
la vie est cruelle.
elle est violente comme les mots qui se crachent et les baisers qui s'échangent, les embrassades qui s'arrachent, les susurrées messe-basses. il n'y a ni tendresse ni douceur ni repos ni sainteté.
tout le monde saigne,
et la terre en est teintée.
(mais l'on rêve,
et l'on tente d'oublier)
elle sait, nastia.
elle sait qu'on oublie pas.
elle n'est pas un monstre.
sa soif n'est pas viscérale,
ce n'est pas un masque ou une contrefaçon ;
seulement la continuité d'une chanson.
le refrain chanté en falsetto qui sonne beau.
(mais il est triste et quand les notes déraillent,
tout tombe en morceaux)
elle n'est que tristement humaine.
incapable de surmonter ses peines.
(et quand on a les genoux sur le bitume,
on trouve sa vie bien vaine)
la langue coupée dégoulinante d'amertume,
il n'y a plus de beau jour qui vienne.
mais nastia ne se voit ni victime ni martyre - elle ne se voit qu'à racler la glaise.
à ce qu'on lui marche sur les ongles, qu'on les tire et torde.
à finir dans les fossés
(comme on lui a dit,
comme on lui a promis)
et elle sait la leçon,
elle fredonne la chanson
(et la vie en est ainsi)
elle en est la preuve, au fond.
(le destin a toujours raison)
memento mori.elle donne ce qu'elle n'a pas (c'est presque altruiste) ce besoin de donner tout ce qu'on lui a pris, tout ce qu'on lui a refusé. alors elle aime, parce que l'amour elle en a trop à donner. une candeur adolescente, effervescente. des rires éclatants se brisant sur des mots sincères et pleins de bonté.
elle est belle, anastasia.
elle aime, elle n'aime pas.
elle ne ment pas.
et le monde l'aime, et le monde le lui rend. lui donne une vie pleine - d'un travail serein, d'un entourage serti. une place faite dans une existence parfaite ; faite du beau et du mauvais temps. des amis et de contretemps -
fleuraison du printemps.
(et comme les fleurs elle garde ses pétales,
le poison dans sa sève, dans la nuit il s'étale)
ce n'est pas qu'elle vous hait
ce n'est pas qu'elle veut vous prendre
ce n'est pas qu'elle est triste
c'est qu'elle sait
que tout est gris, que tout est noir ;
et qu'elle disparaîtra, un soir.
au détour d'un murmure, d'une sirène ou d'une histoire.
(et on dira,
bien fait,
bon débarras !)
comme on l'a chanté tant de fois.
elle entend encore toutes les prophéties
(sur les enfants comme elle(s),
sur ceux qui ne feront rien,
que personne ne veut,
même pas les cieux)
et elle leur a prouvé qu'ils ont tort !
(et qu'ils ont raison)
car sa vie sonne un peu creux.
(et qu'ils ont raison)
car il n'y a rien de beau derrière les rires
et ces faux jours heureux.
alors je ne me détourne du chemin ;
dans ce récit qui ne fut jamais le mien.
je porte leurs desseins.
je ne leur refuse rien.
et la nuit je prends je prie je tue et je me disperse -
dans les tréfonds des rêves où les gens croient être des dieux.
(sur mes lèvres un énième adieu)
et j'espère qu'au réveil tu te sentiras bien,
tu te sentiras mieux.
genoux à terre à côté du mien ;
on priera main dans la main.
(et un jour je partirai)
car on me l'a trop souvent dit,
on n'a cessé de me le conter.
(les gens comme moi)
ils ne font rien,
ne deviennent rien,
n'aiment point,
ne seront trop vite qu'un souvenir lointain
(et je le sais, je m'y suis fait)
et je ne cherche pas à fuir
(non je ne fais que)
traîner les pieds plutôt que de courir
puisque ça ne sert à rien
un jour
un temps
une heure
un soupir et
je finirai bien
(enfin)
par mourir.
(et peut-être que quelqu'un
quelque part
en aura le souvenir.)
POST-SCRIPTUM discrète + joviale + sincère + pleine de bonté + aime rire, aime donner, aime aimer + vit de l'instant présent + aime s'entourer, aime son travail + consciente de l'inconséquence de son existence, de son manque d'accomplissements et de la place qu'elle n'aura jamais vraiment, ainsi que de la bonne personne qu'elle ne sera jamais + passe de rêves en rêves pour trouver de nouvelles victimes ; elle ne prone ni être sauveuse ni rédemption, elle se salit les mains parce qu'elle les sait déjà sales et souillées à jamais, alors autant continuer + pour elle les rêves lucides ne sont qu'un échappatoire nocif vendeur de fausses promesses qui font plus de mal que de bien + la réalité est dure, mais l'on ne peut devenir plus fort qu'en l'affrontant + ne prétend aucunement être un héro, ni mener un combat juste + ne prétend d'ailleurs pas être une bonne personne et si elle ne dévoile pas ses vices ce n'est pas pour autant qu'elle s'entoure de mensonges + tout ce qu'elle fait est un étirement de sa personnalité, le mal n'en est qu'une continuité qui la ronge + 1m53 + rousse + yeux hazel + tâches de rousseur discrètes + pâtisse beaucoup durant son temps libre + entoure son appartement de plantes vertes, de livres anciens et de bougies + gérante de son propre magasin dont elle a hérité les reines après le décès de l'ancien propriétaire - on y trouve de tout, de rien, mais surtout de l'ancien + y passe souvent plus de temps que chez elle + écoute encore les chaînes russes à la télé + parfaitement bilingue en russe + passionnée par les trouvailles en tous genres + aime les gens passionnés qu'elle trouve passionnants + bien plus mélancolique et dévorée par les sentiments sombres qu'elle ne le laissera jamais paraître + passe beaucoup de temps à l'insomnia nightclub + si elle n'est pas particulièrement fière de ses méfaits qu'elle admet égoïste, elle espère secrètement avoir l'approbation et la reconnaissance de celle qui dirige les dissonants comme elle, au sommet du dysnomia circle.